BIVOUAC D'AOÛT 2018
Ce long bivouac de 7 jours m'a paru court, personnellement. Tout est passé si vite. Comme d'habitude, nous n'avons pu vivre qu'une partie de ce que le lieu offre et propose, et pourtant que de séquences inoubliables, puissantes, émouvantes, surprenantes, belles et envoûtantes à emporter dans nos coeurs et notre mémoire à l'issue du bivouac.
Ce que nous posons et établissons au coeur de ce sanctuaire de nature, au fil des années, devient de plus en plus manifeste, singulier, rare et étonnant. Il y a une part de magie dans ce que nous vivons et en même temps tout semble si simple, naturel, coulant de source sur le rivage du grand rêve natcham.
Chacun, sans doute, trouve ici ce qu'il cherche et ce dont il a besoin, et cela varie évidemment suivant les personnes. Mais au-delà de cela il y a le dénominateur commun, ce liant invisible qui trouve sa source déjà dans le miracle du lieu.
La proposition natchame sort totalement des sentiers battus. L'âme natchame sonne comme une invitation à laisser derrière soi tout le monde connu, et à oser aborder des rivages déconcertants pour le regard extérieur. Rédiger après chaque bivouac un compte-rendu est une gageure à chaque fois, et je me demande systématiquement comment parvenir à rendre compte de ce monde inénarable, plongé dans la subjectivité de nos mondes intérieurs mais éclairé par la beauté de tout ce qui s'y déroule...
Déjà, beaucoup d'entre nous se laissent prendre par les vertus régénérantes d'une vie sans vêtements. Marcher, rêver, explorer nu dans l'immense écrin de nature qui nous accueille agit comme un véritable baume enveloppant et bienfaisant. Le corps se sent délivré, écouté, attendu. Les flux étheriques dispensés dans la nature ne rencontrent plus aucuns obstacles de tissus et l'énergie coule, douce, suave, bienfaisante et protectrice. À chaque détour du bivouac, seul ou en groupe, je m'arrête régulièrement pour goûter à ce bonheur simple, les pieds nus sur le sentier, sentant la brise caresser ma peau, nu, pur, délivré, heureux de vibrer dans l'accueil permanent de l'énergie qui me parcours de la tête aux pieds. Vivre nu ici est un privilège extraordinaire que nous nous accordons loin des étiquettes, nous sommes offerts au bien-être, au vent, au soleil, à la rivière, dans l'évidence de notre état d'êtres humains.
Comme autrefois peut-être, sans doute, quand tout était vierge, sans contrôle, sans béton, sans artifice nous rêvons bien ici d'une forme d'eden, d'une simplicité au contact de la nature qui est bien plus qu'une forme de naturisme. Nous sommes en réalité en totale immersion avec la nature, tout simplement, et cela ne cadre guère avec l'usage des vêtements. Beaucoup d'entre nous découvrent ce type d'expérience pour la première fois, et même si ce n'est pas obligatoire ça contribue sans doute pour beaucoup à tous les lâchers-prises qui donnent une saveur accrue à l'aventure !
Ensuite, il y a une évidence : le lieu est envoûtant, et le campement même est comme une mère bienveillante avec son espace ouvert, ses chênes amicaux, ses perspectives ouvertes sur la colline, les rochers, la rivière, le jour naissant.
Cette année, le groupe était constitué de 13 personnes. Groupe important en nombre, mais la nature était aussi là pour soutenir ce travail d'harmonisation de groupe qui constitue à chaque fois un défi...Ma responsabilité s'en trouve aussi accrue, encouragé néanmoins d'heure en heure par le déroulement du bivouac j'accueille avec gratitude la montée d'énergie qui traduit la présence des forces de la nature tout autour de nous.
Pour la première fois, la pratique des levers de soleil a été instaurée de manière régulière...à l'initiative du groupe qui s'est révélé à ma grande joie demandeur pour accueillir chaque début de journée avec ce miracle éblouissant, au coeur de la démarche natchame et de l'écologie sacrée (cf le chapitre 4 page 49 "La clef universelle du langage de la nature : le lever du soleil" de mon ouvrage "la Quête de l'Écologie sacrée")...
2018 s'avère d'une richesse sans précédent en ce qui concerne une des offrandes concernant la rivière : l'argile ! Ou plutôt devrais-je dire les argiles, car nous avons eu l'argile habituelle, du gris-vert qui la caractérise, mais aussi de l'argile jaune plutôt inhabituelle. La montagne a été généreuse, cette année...
Nous avons donc rendu hommage à l'argile, en invoquant ses vertus curatives. Nous avons effectué une véritable cérémonie, qui a sans doute permis de goûter à la quintessence de l'argile de la meilleure des façons. Avec recueillement, douceur et attention nous avons pu pénétrer dans la large baignoire d'argile qui s'est offerte à nous pour un bain inoubliable, régénérant. En entrant dans cette matière si riche, si douce, j'ai été parcouru de frissons de la tête aux pieds, ressentant avec émotion le pouvoir qui me pénétrait comme une onde bienfaisante et régénérante. En sortant je me suis senti habité, dans une plénitude euphorisante et en totale communion avec le lieu, investi d'une forme d'alliance invisible avec la montagne, la forêt, la rivière, les rochers. Cette cérémonie a eu quelque chose de nuptial, scellant dans l'invisible pour ce qui me concerne quelque chose d'infiniment beau, savoureux, intime et respectueux. L'argile recèle des magies insoupçonnées !
Activités spécifiquement "natchames", le "Lilta"" et le "Tompa Natcham" se sont invités avec force.
Le "Lilta" consiste en des exercices de gymnastique effectués en rythme face au soleil matinal et inspirés par les flux de la nature, tout en douceur, travaillants entre courants telluriques et courants du ciel en alternance avec les courants alternatifs des nadis (Ida et Pingala). Ces gestes simples ont pour but de faire converger les énergies vers le plexus solaire et de faire circuler des courants harmonisants et bienfaisants dans tout le corps, en communion avec la nature. C'est le meilleur moyen de démarrer la journée pour se syntoniser avec les énergies subtiles de la nature...
Le "Tompa Natcham" est un rituel libérateur d'énergies fondé sur l'utilisation du Tambour. Une personne se place au centre du cercle constitué par plusieurs joueurs de tambour placés tout autour en accompagnement, avec un "leader" qui donne le tempo et se place près du dos de la personne pour accentuer l'effet vibratoire. Le principe consiste pour la personne placée au centre à ressentir les effets du tambour et à vibrer ainsi au diapason des répercussions que ça provoque dans tout le corps, puis à laisser parler le langage corporel.
Ça peut donner place à quelques mouvements simples, ou bien à une danse puissante et libératrice. Peu importe. Ce qui compte, c'est de laisser l'impulsion du tambour se frayer un chemin en nous et à offrir ce moment à notre être profond. Le mouvement qui naîtra éventuellement doit provenir de l'intérieur. En réalité, ce ne doit surtout pas être une "danse" mais une pleine expression de l'être, du corps, du mouvement instinctif.
C'est parfois sauvage, et d'autres fois très doux et méditatif. En revanche c'est à peu près à chaque fois juste, profond, indispensable, une véritable fenêtre de libre expression en toute liberté sans crainte du regard d'autrui, sans jugement. C'est une catharsis par le mouvement toujours empreinte d'une forme de beauté crue et authentique.
Ceux qui me connaissent savent que je suis toujours à l'affût de l'écho du fond des bois, aux détours des sentiers cachés. Là-haut, dans la forêt, se cachent ces lieux si vibrants et intimes que j'y puise toute la force et le pouvoir qui vont m'habiter pour tout le restant de l'année...C'est ainsi que le moment d'inviter tout le groupe à rencontrer le Bois Sacré est arrivé, au coeur de mes préoccupations, de mes espoirs et de mes prières à l'attention des dieux cachés...C'est le moment où je souhaite si ardemment contribuer à ouvrir les consciences et les coeurs au contact des mystères de la nature, de ses feux, de ses murmures secrets et de ses triomphes invisibles. C'est un moment crucial, qui donne tout son sens à mon travail de Natcham.
Et c'est une délivrance, un immense bonheur qui dévale les flancs de la colline pour nous accueillir dès les premiers arpents ! Les interrogations font place à l'émerveillement, tout vibre, danse, des tourbillons d'énergie féeriques m'enveloppent et me portent sur leurs ailes. Je salue, et tisse de mes doigts et mes mains un canevas invisible qui ouvre le chemin. C'est toujours aussi surprenant, immédiat, glorieux. Je suis un peu gêné parfois, je voudrais peut-être un peu cacher mon euphorie et dissimuler l'incandescence qui me gagne de peur d'importuner mes compagnons - qui sait, j'ai peut-être l'air un peu fou - et en même temps j'ai besoin de partager, d'emporter tout le monde dans le sillage de mon exaltation naissante en me disant que ça peut être aussi une opportunité exceptionnelle, unique, merveilleuse pour certains de ressentir pour la première fois la réalité d'un CONTACT avec le monde des esprits de la nature !
Le "Temple" s'invite après le Bois Sacré, logiquement. Séquences hors du temps, aux frontières du surnaturel, au contact d'un monde suave, pur et incandescent qui nous enivre pour un long moment.
Après cette journée, il me semble que le bivouac est presque achevé sur un certain plan. Un aboutissement merveilleux, indicible a couronné mes espoirs les plus intenses. Le travail est fait, le règne humain par la grâce du petit groupe qui a visité ces bois a effleuré le règne des royaumes de la nature vivante, cachée, secrète, miraculeuse avec son cortège de présences, d'esprits, de bénédictions visibles et invisibles...
Il y a eu des nouveautés également cette année. Une après-midi d'ambiance féminine, posée et créative avec du land-art et la confection de parures végétales, magnifiques sur les corps nus. Encore un petit parfum édenique, une douceur offrant une séquence de petits bonheurs où le talent des membres du groupe a pu s'exprimer de manière vraiment éclatante !
Le campement a été investi pendant plus d'une semaine et a répondu à tous nos besoins, notamment quand les orages et petites pluies de fin de journée se sont invitées. Les chapiteaux de toile épaisse nous ont offert un abri efficace propice à de bonnes siestes profondément reposantes, mais aussi à la création d'un espace protégé autour de l'âtre en attendant la fin des pluies...
Ce bivouac s'est aussi doté d'une tonalité assez riche du point de vue culinaire (avec des poëlées de champignons locaux)...Appréciable pour un long bivouac...
La fin du bivouac a permis d'associer les peintures corporelles natchames à la veillée chamanique près du feu. Cette pratique, qui puise sa source dans les rituels magiques pratiqués par les guerriers d'autrefois afin d'être protégés par les esprits (pour le combat ou la quête de gibier), permet de s'aligner plus facilement avec les forces de la nature et offre une grande affinité avec la nuit et sa puissance chamanique ouverte à toutes les quêtes. Puissance libératrice du feu avec ses lames de lave brutes réveillant la force de vie, pour effleurer, toucher ou atteindre les potentialités de notre être profond, loin des artifices, des masques, seul face au ciel, à la nuit, aux étoiles et à la tribu...
La dernière journée consacrée à l'exploration du canyon du nord, débouchant sur une "chambre de fée", nous a aussi amenés à contacter un Hêtre doté d'une aura et d'une vibration hors du commun, si accueillante, inspirante, incitant à rompre les frontières entre l'être humain et le règne végétal... Rencontre bouleversante, lumineuse, dans une havre de douceur avec un ruisseau abreuvant les racines de l'arbre...Ultime cadeau pour un bivouac dense, passionnant, plein de défis relevés par la grâce de la nature et l'intelligence d'un groupe mémorable !